Evelyne Roques-Boizel*: le champagne au féminin

Depuis cinq générations, la maison Boizel élabore du champagne et c’est une femme, une vraie champenoise, Evelyne Roques-Boizel, qui assume aujourd’hui le destin de cette maison.

Evelyne Roques-Boizel
Assurément de grandes femmes ont depuis la nuit des temps œuvré pour le vin de champagne et repris le travail viticole de leurs ancêtres : en abreuvant, selon l’expression de Mérimée, la Russie, Madame Cliquot se transforma en chef d’entreprise, au même titre que Madame Pommery et Madame Bollinger.

C’est aussi le cas d’Evelyne Roques-Boizel depuis les années 72 - 73, dates auxquelles son frère puis son père, dirigeant de l’entreprise, décèdent prématurément. Savoir que dans les temps anciens plusieurs femmes déjà ont repris le flambeau industriel la rassure peut-être ou la conforte dans sa décision de s’atteler à la tâche. Néanmoins, le milieu du vin est et demeure masculin même si la tendance actuelle est de dénicher des femmes vigneronnes, des femmes maîtres de chais et de surfer sur un certain féminisme. Face à un milieu difficile où la compétition est grande, Evelyne Roques-Boizel reconnaît volontiers que, sans l’aide de son mari Christophe Roques, elle ne se serait pas lancée dans l’aventure. « Ce choix, nous l’avons fait ensemble à la mort de mon père. Si j’avais été seule, j’aurais sans doute renoncé, mais à deux il n’y a pas eu d’hésitation ». Et de poursuivre : « c’était le bon choix puisque nous sommes toujours aussi passionnés et que nous avons conservé la même complicité ».

Cinquième femme de la lignée Boizel, Evelyne Boizel a la simplicité et le bon sens des femmes qui ont su rester ancrées à leurs origines, à leur terre natale dont elles connaissent les bonheurs simples que celle-ci peut apporter. A la reprise de la maison, Evelyne Roques-Boizel doit s’initier à tous les métiers de l’entreprise : commercialisation et gestion, vinification et assemblages. Avec beaucoup d’humilité, elle reconnaît que « dans une maison de cette taille, chacun est conduit à faire un peu tout ». Si son mari en tant qu’ingénieur s’intéresse surtout à la recherche scientifique, elle-même met son pétillant naturel au service de la clientèle. A Christophe Roques la sélection des cépages et des raisins, la discussion avec les viticulteurs, la surveillance de la vendange et de la vinification avec l’aide autrefois du chef de caves Marcel Carré. A Evelyne Roques-Boizel la jovialité du contact, la personnalisation des relations avec les clients. Entre les époux, la collaboration est étroite et la complicité intime pour assurer et maintenir l’excellence de la maison.

En reprenant la maison, Evelyne Roques-Boizel doit abandonner ses deux passions, histoire et archéologie, qui étaient au cœur de ses études supérieures. Cependant elle met à profit son amour de l’histoire pour glorifier le vin et décide dans l’élaboration de ses vins de remonter le temps en élaborant des cuvées à l’ancienne. « On a voulu retrouver le goût des champagnes d’autrefois. Pour cela avec mon mari nous avons retravaillé comme mes grands-parents au début du siècle dernier ».

Au débuts des années 50, Boizel faisait une apparition remarquée auprès de la jet set et du milieu du cinéma (Hitchcock, le prince Ali Khan et sa femme Rita Hayworth sont des clients). Reprenant cette tradition, Evelyne Roques-Boizel s’ingénie aujourd’hui à placer ses vins sur les tables des plus grands évènements people actuels (le festival de Cannes, le festival anglais d’opéra de Glyndebourne).
C’est aussi au travail d’Evelyne Roques-Boizel que l’on peut attribuer les grands tournants de l’histoire de la société : dès 1989, elle met en place la VPC, système totalement inédit de vente du champagne ; en 1994, elle participe au rapprochement avec le groupe Paillard Bajot qui la maintient dans ses fonctions ; en 1997, elle dote la maison d’un site Internet.

Complicité intellectuelle ou solidarité féminine ? Evelyne Roques-Boizel, outre la création de packs roses de 4 petites bouteilles de 37,5 cl, confie le plus souvent à des femmes le soin d’habiller ses flacons : de Capucine Puerari, à India Mahdavi, Loulou de La Falaise et Vanessa Seward, chaque créatrice décore à sa façon l’édition spéciale de Boizel.

En 2009, Evelyne Boizel et Christophe Roques ont le bonheur de fêter les 175 ans de la maison et de son champagne, « le vin de l’émotion et du plaisir partagé ». George Sand de son côté écrivait : « le champagne est un émerveillement » et Evelyne Roques-Boizel d’ajouter : « C’est une phrase que j’aime énormément, car, par la magie de ses bulles virevoltantes, par la délicatesse de ses arômes, la ligne pure et ample de ses vins, le Champagne ouvre la porte des rêves ».

En présentant récemment sa cuvée Sous Bois millésime 2000, Evelyne Roques-Boizel évoque avec émotion une vinification en fûts anciens de 205 litres selon les méthodes du début du XXème siècle afin de retrouver le caractère des champagnes d’antan. Ses yeux admirent la luminosité dorée de la robe de ce vin et bientôt se perdent dans le vague. Si autour de la table, la longueur en bouche du vin fait rêver plus d’un convive, elle, de son côté, a d’autres rêves et d’autres bonheurs qui lui traversent l’esprit. Un de ses fils vient de lui annoncer qu’il entre dans la maison pour y travailler. La vie du champagne Boizel, l’histoire d’une famille va se poursuivre... non plus de père en fille, mais de mère en fils.
Article publié le 26 juillet 2010

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