Précurseur, visionnaire et vivant à contre-courant de la mode, Madeleine Castaing sut très tôt mélanger les meubles russes, anglais, français…Aussi bien dans son activité d’antiquaire que dans son métier de décoratrice, elle fonctionne par coups de cœurs et ose associer meubles et objets a priori hétéroclites. Pas académique pour un sou, Madeleine Castaing affectionne le mélange des genres pour donner un style XVIII° et XIX° éclectique et international. Son art et son talent font inévitablement penser aux grands décorateurs ensembliers à la manière dont on l’entendait durant les belles années du Salon des Arts Décoratifs.
Une décoration éclectique
Son style : une décoration bourgeoise, confortable où elle affirmait son goût pour une certaine symétrie mêlée d’anachronismes et de motifs végétaux. Elle aimait les meubles de jardins d’hiver en bambou et la laque noire Napoléon III, elle aimait les rayures bayadères et la passementerie, les dais, tentures, drapés, alcôves, niches, boiseries, passementerie, pompons, franges, le bambou, l’acajou, le motif léopard, les rayures fleuries… et un fameux bleu, le bleu Castaing si lumineux, un célèbre bleu clair et intense qui illumine ses décors. « C’est un des rares décorateurs qui ait vraiment inventé un style », aime à rappeler Christian Siret, scénographe de l’exposition de la British Gallery. « Un intérieur à la Castaing, c’est un peu comme une évocation du 19e siècle néoclassique, avec le charme des jardins d’hiver », ajoute-t-il. Madeleine Castaing savait faire de la poésie avec du mobilier et des objets savamment choisis.
Après une longue étude psychologique de ses clients, Madeleine Castaing s’obligeait parfois à vivre plusieurs jours avec eux, pour traduire à travers ses décors, ce qu’ils étaient profondément. Amoureuse insatiable de l’œuvre de Marcel Proust, Madeleine Castaing consacra plusieurs années de sa vie à lire et relire « A la recherche du temps perdu». Rivale d' Emilio Terry (décorateur du château de Groussay pour Charles de Beistegui), Madeleine Castaing s'inspira de l' esthétique néclassique, non sans l'interpréter à sa manière. Elle s’efforçait notamment de rendre l’atmosphère qu’ont su si bien dépeindre Flaubert ou Proust, deux auteurs qui eurent une grande influence sur ses créations.
Avec son époux le critique d’art Marcellin Castaing, elle fut l’amie et le mécène des plus grands artistes de son époque comme Modigliani, Soutine (dont le portrait de la « diva de la décoration » se trouve aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art de New York), Chagall, Picasso, Jean Cocteau dont elle aménagea la maison à Milly-la-Forêt, mais aussi Erik Satie, Blaise Cendrars, Henry Miller, Louise de Vilmorin et Francine Weisweiller dont elle décora la villa Santo-Sospir à Saint-Jean-Cap-Ferrat, aux murs décorés de dessins de Cocteau .
En pleine guerre, Madeleine Castaing ouvrit une galerie d'antiquaire à Paris, à l'angle de la rue Jacob et de la rue Bonaparte, célèbre durant un demi-siècle pour sa devanture noire. Dans sa galerie, comme dans sa gentilhommière de Lèves ou son appartement de la rue Bonaparte, elle présentait des banquettes en demi-lune du Second Empire, des chintz anglais qu’elle mit au goût du jour, des ambiances monochromes au style « gustavien », des rayures bayadère, un doux mélange de couleurs franches du XVIIIe siècle et de demi-teintes du Wedgwood, des sièges de bambou car elle adorait les jardins d’hiver, des moquettes en faux léopard inspirées de l’Empire, des collections d’opalines lactescentes Louis-Philippe... La Russie, la Suède, la Grande-Bretagne des années 1790 côtoient les tôles laquées et les « causeuses » Napoléon III.
Rétrospective en 7 tableaux
Rue de l’Université, la British Gallery qui importe du mobilier anglais ancien de haute qualité, et plus généralement en acajou depuis son origine, propose une magnifique rétrospective Madeleine Castaing intitulée « Dans le sillon de Madeleine Castaing ». A travers sept évocations, l’exposition retrace tout l’esprit de la gentilhommière de Lèves, sous l'impulsion de la maîtresse des lieux, Christine Roux, et de ses filles. Composée de pièces authentiques de la jolie maison de Lèves, rééditions de meubles ayant appartenus à la décoratrice ainsi qu’une multitude de pièces de mobilier et objets "à la manière de" Madeleine Castaing, le visiteur déambule dans sept évocations d’un intérieur parisien conçues par le décorateur Christian Siret, telles que l’aurait conçu ce personnage haut en couleurs.
Madeleine Castaing fut sans doute la première décoratrice à créer un vrai style. A reproduire façon total look, ou à réinterpréter pas touches dans une atmopsphère plus actuelle.
Exposition « Dans le sillon de Madeleine Castaing »
Juqu'à fin septembre 2013
British Gallery
54, rue de l'Université
75007 Paris
Tél. : 01 42 60 19 12
Ouvert du mardi au samedi de 12h à 19h
www.british-gallery.com
www.scene-antique.com
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