Eric Gizard, un disciple d’Andrée Putman

Jeune architecte en vogue, Eric Gizard est élu créateur de l’année au Salon Maison et Objet en 2005. Il a réalisé des hôtels, des espaces commerciaux, des objets des arts de la table, des espaces de réception… Son talent s’exerce dans tous les domaines.

Pour Air France, Eric Gizard a relooké les cabines de l’A380, avec des sièges confortables imaginés spécialement pour l’appareil, et un éclairage doux aux teintes rosées, pour favoriser le repos des passagers.

Eric Gizard est un touche à tout qui joue avec les pigments et les couleurs, tout en restant sobre et discret. C’est un mélange de vert et de safran, mais aussi de Monet, de Van Gogh et de Kandinsky. Il se confie et nous fait part de ses rêves.

Eric Gizard est un architecte touche à tout, dont le travail est un subtil mélange d’élégance et de discrétion. Ce disciple d’Andrée Putman, avec laquelle il partage la notion de vide, de rigueur et d’espace commun, réalise des hôtels, des espaces commerciaux, des objets pour les arts de la table, des espaces de réception…
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Eric Gizard est un architecte touche à tout, dont le travail est un subtil mélange d’élégance et de discrétion. Ce disciple d’Andrée Putman, avec laquelle il partage la notion de vide, de rigueur et d’espace commun, réalise des hôtels, des espaces commerciaux, des objets pour les arts de la table, des espaces de réception…
©Christophe Fillioux

Comment vous définissez-vous : architecte ou designer ?

Eric Gizard : Dans le sens générique, je suis designer. Mais le travail se fait aussi bien sur le volume que sur l’architecture, l’objet, l’espace de vie et sur l’espace créatif. J’ai de multiples casquettes et je n’aime pas le mot spécialisation. Je n’aime plus du tout le mot design car aujourd’hui, quand on voit un verre un peu contemporain on dit qu’il est design, qu’il soit réussi ou raté. Le design n’est pas une fonction de ratage, bien au contraire, il faut faire le mieux possible pour garder l’équilibre entre la forme et la fonction ainsi que l’affectif qu’on donnera à l’objet. Tout cela est suggestif. J’aime l’idée de dire que j’ai une culture française dans mon cursus professionnel et personnel. Nous avons en France un style important : l’art décoratif ! Mon rêve serait de dessiner un lieu à vivre privé ou public où tout serait dessiné à 100% comme faisaient nos anciens, de l’architecture du bâtiment jusqu’aux poignées de porte. C’est ancré dans notre culture. J’aime toucher à tout, je travaille sur des cabines d’ascenseur, des espaces commerciaux, des hôtels et aussi sur des matières comme le cristal. C’est l’enrichissement de ce métier. Parfois, cela peut poser des problèmes. Si vous ne rentrez pas dans la case, vous êtes perçu comme quelqu’un de créatif mais qui n’a pas forcément l’habitude de travailler. Aujourd’hui, comme le marketing plombe toute la société et que personne ne prend de vraies décisions de faire ou de ne pas faire, on arrive à des résultats linéaires qui ne font pas de vagues. Je le déplore !

En janvier 2009, Eric Gizard imagine la collection Vibration pour la Cristallerie Saint-Louis. Il sublime la matière, grâce à un jeu de courbes taillées à la main dans une plaque de cristal, qui diffuse une douce et précieuse lumière.
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En janvier 2009, Eric Gizard imagine la collection Vibration pour la Cristallerie Saint-Louis. Il sublime la matière, grâce à un jeu de courbes taillées à la main dans une plaque de cristal, qui diffuse une douce et précieuse lumière.
©DR

Quels sont vos matériaux et vos couleurs ?

EG : J’aime toutes les couleurs et toutes les matières, mais cela dépend comment on les utilise. C’est une question de dosage comme un chef de cuisine avec les épices. Trop d’épices tuent l’épice. J’aime les matériaux naturels (le bois, la pierre), très peu les imitations mais on en utilise toujours un peu, cela dépend du budget. Mais aujourd’hui elles sont de bonne qualité... Je travaille dans l’idée de modernité, de contemporain donc je ne vais pas imiter un style. Mon goût va vers les matériaux assez neutres dans des couleurs sobres. Les couleurs froides, les bleus, les verts acides sont dynamiques et valorisent un projet. J’adore le sentiment d’air, d’eau, car les couleurs « terre » étouffent. Cela m’a inspiré pour l’hôtel à Dinard que je viens de réaliser. Les couleurs sont reposantes. On y retrouve des touches de couleurs grisées bleutées, couleur océan et un orange synonyme de corail, d’étoiles de mer. En fait, je mets toujours une couleur ponctuelle additionnée. Un contraste caché mais qui rajoute du contraste. Le côté monochrome peut être utilisé sauf en surface. A chaque fois, je travaille sur des oppositions, des mélanges, des rythmes différents entre une façade et une autre façade, un sol et un plafond, le vertical et l’horizontal. La fresque n’est pas forcément figurative, elle peut être géométrique. Par mon cursus, les couleurs et matières sont primordiales. Je suis autodidacte, j’ai suivi des cours du soir aux Arts Appliqués Duperré. Ca ne m’a pas donné le diplôme d’architecture intérieure mais cela m’a ouvert l’esprit et m’a fait travailler les formes. Ensuite, je suis rentré chez Michel Boyer en tant que documentaliste et responsable de la matériauthèque. J’ai donc une forte formation sur les formes et les matières. Je suis au bord du minimalisme que j’enrichis avec des couleurs, des matières, des surfaces et le toucher. La vue et le toucher sont essentiels pour faire réagir les personnes dans un lieu et à le vivre. L’architecture me plait mais je ne peux pas construire !

En 2011, Eric Gizard met ses talents au service de l’architecture, en imaginant cette maison en bois en plein cœur de la forêt de Rambouillet. Subtilité et simplicité sont les maîtres-mots de cette réalisation, où la lumière naturelle emplit toutes les pièces, grâce aux larges baies vitrées.
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En 2011, Eric Gizard met ses talents au service de l’architecture, en imaginant cette maison en bois en plein cœur de la forêt de Rambouillet. Subtilité et simplicité sont les maîtres-mots de cette réalisation, où la lumière naturelle emplit toutes les pièces, grâce aux larges baies vitrées.
©DR

Quelle attitude avez-vous envers le développement durable ?

EG : Le développement durable, quand on peut, c’est bien. Mais c’est beaucoup de marketing et de discours. On nous rabâche tellement de choses. On a fait tout un show sur les ampoules fluorescentes, on ne va plus polluer… Puis, on s’aperçoit qu’on ne peut pas les recycler. Il faudrait surtout travailler sur des matériaux recyclables mais cela a un coût. Pour les ascenseurs que je viens de livrer, la seule chose green c’est une cabine en inox (recyclable) avec un sol caoutchouc, sinon le reste est en stratifié. On est limité même si on fait le mieux possible. J’aime par exemple le tapis noir sans aucune teinture qui provient du mouton noir mais les teintes neutres ennuient les gens, la crise donne envie de couleurs pêchues.

En menant à bien le projet Bocage, Eric Gizard a donné une véritable identité à la marque. Dans les boutiques à l’architecture nordique, un arbre en plaqué occupe une place centrale, sous lequel on s’assoit pour essayer les chaussures. Au plafond, des boules en verre apportent une touche féerique. Des touches de couleurs, changeantes au fil des saisons, rythment l’espace.
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En menant à bien le projet Bocage, Eric Gizard a donné une véritable identité à la marque. Dans les boutiques à l’architecture nordique, un arbre en plaqué occupe une place centrale, sous lequel on s’assoit pour essayer les chaussures. Au plafond, des boules en verre apportent une touche féerique. Des touches de couleurs, changeantes au fil des saisons, rythment l’espace.
©DR

Votre dernier projet est Bocage, pouvez-vous nous en parler ?

EG : Bocage est une marque qui appartient à Eram. Le patron était allé loin dans la démarche créative pour sa marque. C’est assez exceptionnel et courageux. Cette démarche a créé une vraie identité. Il fallait la redynamiser, la faire évoluer. Elle n’existait que par ses produits et non pas par ses espaces commerciaux. Un rapport de confiance s’est installé entre nous. Son origine vendéenne a été le fil conducteur. L’arbre est une symbolique forte, on s’assoit dessous, sous la lumière, pour essayer les chaussures. Dans l’espace Bocage, une symbolique du voyage est donnée aux gens de la ville. Dans l’espace femmes, on a un arbre en plaqué, du grès cérame au sol et des boules de verre qui amènent le côté féerique. Les autres espaces sont en noyer, avec une façade couleur safran moutarde, du rose fuchsia à l’intérieur. Les surfaces sont entre 50 et 80 m2. On y raconte une histoire d’architecture nordique, un voyage féérique dans l’univers féminin et masculin. Les touches de couleurs rythment l’espace et sont évolutives selon les saisons et les collections. Ce concept sera développé partout sur le territoire.

Eric Gizard souhaite créer des lieux faciles à vivre, à la fois simples et sophistiqués. On retrouve ces caractéristiques dans la décoration très élégante du Novotel de Munich.
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Eric Gizard souhaite créer des lieux faciles à vivre, à la fois simples et sophistiqués. On retrouve ces caractéristiques dans la décoration très élégante du Novotel de Munich.
©DR

La crise a-t-elle changé votre façon de travailler ?

EG : En temps de crise, il faut être plus ingénieux et inventif. Il s’agit de réaliser le projet avec le budget imparti. En se donnant les moyens créatifs, on peut répondre à tout !

Cristal Saint Louis verres Metropolis BIS
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Cristal Saint Louis verres Metropolis BIS
©DR

Quel a été votre premier objet ? Qu’aimeriez-vous dessiner ? Que pensez-vous apporter dans votre secteur en tant que designer ?

EG : Grâce à une aide du Via, le premier objet fut, en 1990, une table de chevet avec une base verticale en béton. Le chevet était en alu anodisé et en ardoise avec une lampe au-dessus. Un peu maniériste. Je me suis cherché… Aujourd’hui je suis bien dans ce que je raconte ! A mes débuts, j’étais fasciné par Jean Michel Franck. Chez un antiquaire, j’ai trouvé un petit meuble qui m’a ébloui. Il n’était rien mais son élégance était dans la simplicité de sa forme. Je n’ai pas encore touché aux poignées de porte… Je travaille sur ce qui se voit et se touche. Je ne touche pas à la technologie proprement dit. J’aimerais faire un habillage pour l’Ipad. Un flacon de parfum m’intéresserait aussi.

Eric Gizard a collaboré avec Air France pour imaginer le salon Business à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. Le chêne se marie élégamment à l’aluminium, et le mobilier ainsi que l’éclairage ont été spécialement créés par le designer.
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Eric Gizard a collaboré avec Air France pour imaginer le salon Business à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. Le chêne se marie élégamment à l’aluminium, et le mobilier ainsi que l’éclairage ont été spécialement créés par le designer.
©DR

Y a-t-il un style Eric Gizard ? Avec du recul, changeriez-vous quelques uns des projets déjà réalisés ?

EG : On ne peut pas parler de style, mais plus d’une subtilité, d’une simplicité Gizard. En termes d’architecture intérieure, il n’y a rien d’évident. On découvre toujours une matière, une mise en lumière particulière qui suscite une réflexion, un détail. On ne doit jamais être dans l’ostentation de ce qui est attendu. Je suis ravi quand le projet est réalisé comme je l’avais pensé.

Je ne veux pas être un effet de mode, ni une tendance. Tout est rencontre chez moi, c’est un univers d’intimité. Je ne plais pas à tout le monde. Pour les gens qui travaillent avec moi, c’est un privilège commun, un plaisir partagé. La relation humaine doit être durable. Pour mes projets, c’est du bouche à oreille. La plupart du temps ce sont des rencontres, je n’arrive pas à frapper aux portes. Parfois, quand on démarche, on ne reçoit aucune réponse. La moindre des choses serait de répondre et de renvoyer le dossier mais aussi de ne pas s’en inspirer… Je m’aperçois que je suis copié… Au moins, je suis regardé et donc je ne suis pas si nul (sourire) ! Pour la dernière question, chaque chose a été réalisée à son époque et je ne changerais rien.

Eric Gizard a réalisé l’aménagement des 1200 m² du Printemps de Deauville. Préférant la notion de vide à celle du remplissage, il a travaillé sur le mobilier qu’il a inséré dans des espaces fluides et aérés.
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Eric Gizard a réalisé l’aménagement des 1200 m² du Printemps de Deauville. Préférant la notion de vide à celle du remplissage, il a travaillé sur le mobilier qu’il a inséré dans des espaces fluides et aérés.
©DR

Et pour finir, comment aimeriez vous être perçu ?

EG : J’aimerais être vu comme quelqu’un de professionnel, de sérieux, de fiable avec cette idée de créer des lieux faciles à vivre, sophistiqués mais simples. Je suis à l’écoute et je sais répondre. Je connaissais par cœur le travail d’Andrée Putman. J’ai été très étonné, lors des 10 ans de Maison et Objet, de l’entendre faire des éloges sur mon travail « discret et flamboyant ». J’aimerais la remercier. Elle fait partie de ma vie, de mes réflexions et de ma sensibilité. Elle est mon mentor. Je me pose toujours la question de savoir comment elle ferait à ma place ? On a la notion du vide, de la rigueur et de l’espace en commun. Par contre, je m’en éloigne avec mes choix de couleurs et de matières qui me sont propres. Andrée Putman est mon ADN professionnel.

 

Fiche technique
Eric Gizard
2, rue de la Lune
75002 Paris£
Tél. : 01 55 28 38 58
www.ericgizard.com

Quelques clients / réalisations

  • Thalassa Sea and Spa de Dinard (Groupe Accor)
  • Collections chez Cuir au Carré
  • Hermès (tasse à Espresso ‘Hermesso’)
  • Artelano (table More & More)
  • Air France (salons, espaces restauration et repos)
  • Big Nose, Société de Production (nouveau siège social)
  • Mama Shelter, Hôtel Sheraton Roissy, Novotel Munich
  • Projet Club Med 2 (voilier de croisière)
  • Le Printemps à Deauville
  • Bocage

www.ndamagazine.com

Un fauteuil aux courbes graphiques et architecturées, avec un dossier cale-reins intégré pour un confort maximal, signé Eric Gizard pour Steiner.
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Un fauteuil aux courbes graphiques et architecturées, avec un dossier cale-reins intégré pour un confort maximal, signé Eric Gizard pour Steiner.
©DR

Article publié le 22 octobre 2013

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