Anne-Sophie Pic au Beau Rivage Palace

Le palace de Lausanne a fait appel à « la » chef trois fois étoilée pour son restaurant gastronomique.

Thon bluefin strié et salade d'herbes et fleurs comestibles

 

Aucune intention de surfer sur la tendance féminine et féministe avec la médiatisation excessive des chefs quand elles sont des femmes. Néanmoins, sur les rives du lac Léman, le Beau Rivage Palace de Lausanne, un des fleurons de la chaîne Leading Hotels of the world, a choisi Anne-Sophie Pic, « la » chef de Valence, car les deux maisons, la sienne et celle de la famille Sandoz propriétaire de l’établissement, sont sur la même longueur d’onde : des entités familiales qui privilégient l’humain et mettent l’exigence du meilleur, du plus juste, du plus beau au cœur de leur travail. Pour Anne-Sophie Pic issue d’une famille de chefs réputés, pour le Beau Rivage Palace, palace mythique du lac qui a vu défiler Victor Hugo, Chaplin, Coco Chanel, Hirohito, Nelson Mandela et Hussein de Jordanie ; l’exigence d’une très grande qualité est à la base de tout.

Jusque dans les moindres détails et même dans la déco, Anne-Sophie Pic supervise lieu et gastronomie. Pour la décoration, l’épuré domine afin que l’attention soit seule retenue par l’assiette. Panneaux de verre donnant l’impression de filigranes dorés et baies vitrées ouvertes sur le lac offrent d’élégants effets d’optique qui s’ajoutent aux douces tonalités de beige, de cuivre, de crins de cheval sur les murs.

En cuisine, Anne-Sophie Pic a confié les rênes du lieu à Guillaume Raineix qui fut son second à Valence, mais elle vient régulièrement pour vérifier la bonne exécution de ses recettes et lors de dîners d’accords mets – vins.

Beaucoup d’esthétisme dans la présentation de  l’assiette, une grande recherche dans les associations de saveurs, mais pas de déploiement de produits tous plus luxe les uns que les autres à l’image de certains établissements étoilés qui vous feraient presque avaler du « homard ébouillanté dans un jus de caviar puis saisi dans une croûte à la truffe blanche d’Albana et relevé d’une écume au foie gras » !!

 

Ici, deux, trois produits certes nobles mais transcendés par des parfums inédits à l’image du tourteau décortiqué et émietté dans une gelée. Il est accompagné d’une mayonnaise de tourteau et d’un nuage mousseux de thé blanc chinois qui contrecarre par sa touche florale-fumée le gras de la mayonnaise. Anne-Sophie Pic rend aussi hommage à ses ancêtres cuisiniers avec le gratin de queues d’écrevisses de son grand-père, le bar de ligne de son père créé en 1971 et devenu un plat emblématique à Valence. On s’émerveille devant des mélanges étonnants et extrêmement osés en bouche comme celui du homard cuit dans un beurre de crustacés mais servi avec un consommé de homard adouci au beurre de fève tonka, de la côte de veau et ses betteraves crémeuses au café, de son agneau de lait aveyronnais rôti au beurre de thé Lapsang Souchong. Le classicisme pointe plus le bout de son nez avec la Saint-Jacques normande, le foie de canard et la poularde de Bresse. Par son équilibre, sa parfaite cuisson, l’assiette révèle une totale maîtrise de la cuisine, de l’art dans sa plénitude.

J’ai regretté de ne pas avoir choisi le duo étonnant marron-pamplemousse ; souvent on associe le marron et le cassis, le marron et le chocolat, le marron et la vanille. Pour finir sur une note légère et fraiche, j’avais sélectionné la clémentine et la baie de genièvre proposées en crème et gâteau croquant sur fond de sorbet clémentine. Les choux glacés au pamplemousse, leur chantilly aux marrons arrosée de sauce de chocolat lacté auraient été un choix sûrement plus inédit.

C’est Tony Decarpentrie qui détient le trousseau des caves où reposent quelques 75 000 bouteilles et 800 références. Des noms réputés faisant flamber l’addition apparaissent bien sûr sur la carte des vins : Haut Brion, Romanée Conti, Pétrus, Yquem. Mais quel est l’intérêt de surpayer ces vins français et préférez les crus locaux. Partez sur les conseils avisés du sommelier à la découverte des vins locaux, la région autour de Lausanne étant couverte de vignobles qui sont perchés à flanc de rives. Pays de Lavaux, Chablais, Côtes de l’Orbe sont des coins où sont cultivés des cépages méconnus ( chasselas) ou typiquement locaux comme le Doral (croisement de Chardonnay et Chasselas), le Gamaret ( Gamay-Reichensteiner), le Diolinoir (Pinot Noir et Rouge de Dioly). Pour un blanc allez donc sur un Dezaley Médinette Louis Bovard de 2009 à 56 €, un Doral Christian Dugon 2008 à  46 €. Vous préférez un rouge ou êtes plus viande que poisson, prenez un Gamaret Bernard Cavé 2009 à 56 € ou un Diolinoir Philippe Bovet 2007 à 66 €.

Dans cet établissement « annexe » d’Anne-Sophie Pic soufflent l’esprit et la cuisine de la jeune femme ; mais la carte est nullement une réplique de celle de son établissement de Valence, car chaque endroit a son histoire, sa philosophie, ses produits régionaux. En France elle a été couronnée de 3 étoiles et à Lausanne 2 étoiles sont arrivées après quelques mois d’ouverture seulement. Mais la cuisinière est ultra perfectionniste et elle n’entend pas en rester là, et le dit clairement : « nous sommes très contents d’avoir obtenu ces étoiles, cela nous encourage et nous positionne de manière très forte, mais il faut encore aller de l’avant ». Cette course vers la troisième marche du podium ne semble pas devoir être très longue, car le restaurant la mérite. Tout du moins c’est le souhait que nous formulons pour eux pour nos amis vaudois !

 

Anne Sophie Pic au Beau Rivage Palace
1000 Lausanne 6
Tél : 00 41 21 613 33 39
www.brp.ch

A la carte, comptez environ 200 €. Menu à 7 plats à 257 €, à 6 plats à 153 €.

Article publié le 21 mars 2011

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