Le Procope, Ladurée, Angelina sont-ils dans le marc ? de café bien sûr ? Certes non, mais ils semblent faire pas pâle figure face aux cafés turinois dont la tradition est plus que bicentenaire. Certes le café est la boisson par excellence de l’Italie et boire un café est une notion qui s’est développée en Italie bien avant de gagner l’hexagone. Les cafés turinois sont des lieux pour une petite faim autour d’un bicerin (café chocolat crème de lait comme le buvait Cavour) et d’une pâtisserie (cuneesi au rhum, marrons glacés, droneresi à la saveur meringuée chocolatée) ; mais ils sont, avant tout au XIX ème siècle, des espaces où se mêlent sans limite la gourmandise, l’art, la littérature, la politique, la satire et même la conspiration. Ces cafés là révèlent un pan de l’histoire du Piémont et d’Italie.
Caffè Mulassano
C’est peut être le plus petit et le plus charmant de la ville. Ouvert en 1907, il s’inspire du style Liberty anglais et son plafond en cuir de Madère est superbe. Il fut le point de rencontre des notables de la cour et des artistes du théâtre Regio voisin et c’est ici qu’a été inventé, en 1925, le tramezzino, sandwich au jambon.
Caffè San Carlo
Sur l’actuelle place d’armes autrefois San Carlo, ce café là s’est ouvert en 1822 et fréquenté par les bohêmes, les écrivains, les professeurs d’universités et les journalistes, il fut fermé plusieurs fois à cause de l’activité subversive des patriotes réformistes qui y venaient. Vers 1840, la décoration intérieure fut restaurée par des peintures, des stucs et des chapiteaux dorés de Spintz et de Beltrami avec une telle magnificence que les chroniqueurs de l’époque définirent le lieu comme « un palais royal ». Est-ce la beauté du lieu ? Toujours est-il que ce salon intellectuel a été porteur des veines du patriotisme et une des places fortes du Risorgimento. C’est ici que Dumas dégusta son premier « bicerin », que l’amiral Cagni et le Duca degli Abruzzi montèrent l’expédition en Antarctique sur le bateau Stella Polare et que Crispi poussa la gauche parlementaire à intervenir en Afrique. Rendez-vous des artistes littéraires (Croce, Pastonchi, Einaudi), peintres (Paulucci, Levi, Chessa, Menzio), le café San Carlo est aussi connu pour avoir été le premier à adopter en 1822 l’éclairage à hydrogène. Détruits pendant la seconde guerre, miroirs et stucs dorés ont été rénovés en 1963.
Guidi Gobbino
Même si on sert ici dehors dans la rue quelques cafés et bicerins, c’est pour déguster un chocolat que vous viendrez ici. Spécialiste du gianduja, la maison a créé, pour les femmes qui surveillent leur ligne, le giandujotto, une divine petite bouchée où se mêlent en une texture ultra fondante le meilleur des cacaos et les plus fines noisettes du Piémont.
Baratti
La simple confiserie de 1873 s’est rapidement transformée en établissement très classe par sa belle décoration de lambris d’acajou, de marbres, de dorures et sa « francese touch » liée à l’inscription des meilleurs breuvages alcoolisés mentionnés en français sur la frise murale. L’établissement s’est enorgueilli de posséder le titre de fournisseur de la maison royale. Y goûter aujourd’hui ses spécialités de caramels au goût de fruit.
Gelateria Pepino
En 1884, le napolitain Domenico Pepino ouvre un glacier sur la place Carignano et invente, en 1935, le fameux pinguino, esquimau en français. S’il existe des parfums insolites comme le menthe violette, le chocolat noir reste néanmoins le plus demandé.
Caffe Torino
Sous les arcades de la place d’armes, le café Torino se compose de plusieurs petits salons avec cheminées en bois, tentures en soie bordeaux et or à feuillages, fauteuils cabriolet recouverts de cuir. Un bel escalier donnant sur une verrière colorée permet d’accéder à l’étage. Mais avant d’entrer pour manger un petit four, observez, sur le pavé devant l’entrée, le fameux taureau en bronze maltraité par les Turinois. La tradition locale dit que le fait de piétiner les organes génitaux de l’animal porte bonheur !!!
Caffe Fiorio
Inauguré en 1780, c’est ici que furent organisées les émeutes estudiantines de 1821. En 1841, Cavour y fonda le cercle de Whist rejoint par les représentants d’une aristocratie réactionnaire et rebelle. Rénové en 1845 avec divans de velours rouge, fresques et miroirs, il fut fréquenté pendant le Risorgimento par de nombreux personnages politiques et des voyageurs illustres dont Mark Twain tombé sous le charme des arcades de sa rue.
Caffe del Cambio
Aujourd’hui, il est plus un restaurant gastronomique qu’un simple café ; néanmoins son rôle historico-politique est primordial ; d’où la nécessité de le citer. Ici mangeait presque tous les jours le comte de Cavour, car del Cambio est situé juste en face du siège du premier parlement italien. A défaut de téléphone portable, Cavour pouvait voir les signaux et les indications que lui transmettaient par les balcons ses collaborateurs au parlement. Tout logiquement, la place à table du créateur de l’unité italienne est immortalisée.
Al Bicerin
Il est situé sur la place de l’église de la Consolata et propose encore le rituel du bicerin avec les trois petits récipients de café, de chocolat chaud et de lait brûlant. Diverses variantes de le consommation initiale existent, mais les bagnati, biscuits à tremper, s’imposent si on veut respecter la tradition.
Les cafés historiques de Turin
Centres gourmands et culturels, ces cafés historiques sont devenus des lieux de mémoire. De par leur situation, leur architecture et leur décoration intérieure, ils font aujourd’hui partie du patrimoine de Turin. Dans un merveilleux goût rétro, promenade chargée d’histoire et frivolités gastronomiques au cœur de la capitale piémontaise.

Article publié le 20 octobre 2010
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