Nous avons tous le souvenir d’un goût, ou l’image d’un plat, certains appellent cela leur madeleine. Ces saveurs que l’on rêve de retrouver, car elles ont provoqué chez nous un intense plaisir ou une grande émotion. Ces plats, qui s’ancrent à ce moment précis dans notre mémoire gustative et émotionnelle, sont souvent les plus simples. Pas forcément technique, ni complexe, juste simple et bon. Mais n’est-ce pas réducteur de croire qu’une salade peut se réduire à la simplicité ?
Ce serait faire fi des producteurs, qui ont œuvré pour amener ces jeunes pousses à leur quintessence, ignorer les petites mains qui, en cuisine, avec le plus grand soin, ont sélectionné, puis réuni une à une ces jeunes feuilles, dans une coupelle blanche, et avant cela le chef, dont l’excellente idée, fût d’assembler pour nous ces quelques végétaux qui viennent au client se présenter, l’heure du fromage arrivée.

©Michel Tanguy
Cette salade, je l’ai dégustée au restaurant Le Doyen. Et si je suis bien incapable de vous citer toutes les pousses qui la composaient ; je me souviens en revanche du goût de chacune et de la surprise qui éveillait mon palais à chaque nouvelle bouchée. Ces saveurs d’une précision incroyable, cette fraîcheur et cet assaisonnement délicat... Difficile de croire qu’une salade puisse avoir tant de goût et procurer tant de plaisir. Du grand art.
Ce travail d’« horloger », Yannick Alléno le reproduit sur chaque assiette. Le chef – nouveau propriétaire du restaurant Le Doyen – fait preuve d’une créativité, d’une rigueur et d’une précision admirable. Est-ce le décorum de ce noble pavillon, créé par Pierre Michel Doyen en 1791, qui inspire le cuisinier, ou la féroce envie de prouver qu’il est un grand chef ?

©Michel Tanguy
Les plats sont d’une élégance rare. On remarque le soin particulier apporté au dressage, le relief du plat, le jeu des couleurs… Toutes les assiettes affichent une sorte d’éclat, les produits sont brillants, comme si chaque élément avait été lustré. L’œil compte, il envoie les premiers signaux de plaisir, mais le chef s’applique aussi dans ses constructions de plats à séduire nos papilles. Les harmonies de saveurs mais les contrastes aussi, la précision des goûts, celle des cuissons, le jeu des textures, chaque détail est parfaitement maîtrisé.
S’il ne faut citer qu’eux… Le tartare de bœuf de Kobe, à se damner, les rouleaux de calamar et chair de tourteaux - délicats. L’anguille fumée, dans son accord végétal avec le cresson, servie avec un subtil soufflé. Le homard, pour sa beauté, et sa cuisson - qui forge le respect - et le chou qui l’accompagne. Les desserts ponctuent avec brio ce repas, avant de terminer, sur une dernière note sucrée. Une tarte à la bière dont on se souviendra aussi…
Bien entendu, la route qui mène aux étoiles est encore longue, mais après ce repas, il est fort à parier que Yannick Alléno atteindra son but. Trois macarons devraient à coup sûr récompenser son talent, mais aussi le travail remarquable de toute une équipe.
Pavillon Le Doyen
Carré des Champs-Elysées
8, avenue Dutuit
75008 Paris
Réservations restaurant :
ledoyen@yannick-alleno.com
Tél : 01 53 05 10 01

©Chung Tao Hsieh
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