L’Oxalys de Jean Sulpice

Avec talent, le jeune Jean Sulpice a relevé le défi de s’installer à Val Thorens, station la plus haute d’Europe. Il a conduit son Oxalys sur les plus hauts sommets, puisqu’à 31 ans il s’est vu décerner une seconde étoile.

Seuls les produits frais et naturels entrent dans la liste des ingrédients cuisinés.

S’installer à 2 300 mètres d’altitude dans la plus haute station de ski d’Europe qui ne connaît en matière culinaire que la tartiflette, les crozets et les diots savoyards est loin d’être évident à titre personnel et familial, ni gagné à titre financier. Et pourtant Jean Sulpice s’est accroché depuis son installation il y a 10 ans à Val Thorens, car il a la foi chevillée au corps, foi en la cuisine, sa passion. Il faut dire que ce savoyard né à Aix-les-Bains est un perfectionniste et un bosseur né. Comme bon nombre de montagnards, il veut toujours se surpasser et aller plus haut. C’est un homme qui entend s’investir à fond. Un des pionniers de la station, Camille Rey, peut vous le confirmer : il n’est pas rare de voir « le jeunot » monter à son chalet situé à 3 000 mètres, non pas en télésiège mais en peau de phoque, car selon Sulpice une belle descente à ski cela se mérite et nécessite des efforts avant la récompense. Quand la neige est tombée toute la nuit, c’est Sulpice lui même qui déneige la terrasse de son restaurant. Enfin, soucieux d’éveiller les papilles de son fils, c’est son restaurant qui fournit tous les repas de la crèche de « Val Tho ». S’appliquant à la cuisine, cette persévérance au quotidien, cette pugnacité de sportif le conduisent à devenir un des plus jeunes étoilés français avec une première étoile Michelin à 26 ans et une seconde à 31 ans.

Le chef aime à travailler les variations de textures et de saveurs relevées par des herbes sauvages.
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Le chef aime à travailler les variations de textures et de saveurs relevées par des herbes sauvages.
©DR

Sollicité pour s’installer dans de superbes établissements et à Paris, Jean Sulpice ne veut pas, malgré les difficultés et les contraintes quotidiennes (l’altitude influe sur la cuisson, les conditions climatiques entraînent des annulations de dernière minute, des approvisionnements aléatoires) quitter cette montagne qu’il aime avant tout. Sa cuisine est en effet un hymne à la Nature : né dans une famille d’agriculteurs et de restaurateurs, le seul produit frais et naturel l’intéresse, et associer le pourpier avec le homard, les baies de sansho (poivre-citron cousin de poivre de Séchouan) avec la crème brûlée et le chocolat pur Caraïbes l’amuse et le titille. Peut-être un souvenir-hommage aux années passées chez Marc Veyrat où il émulsionne, met en bouillon et siphon plantes et herbes sauvages. A cette symbiose avec la matière première naturelle qu’il transcende, Jean Sulpice adjoint par un caractère jovial un réel désir de faire plaisir, de rendre accessible la haute gastronomie française. Preuve en sont les tarifs de ses menus : 65 € pour le « 3 plats » et 109 € pour le « 5 plats ».

Jolis bouillons et belle émulsions, souvenirs de son apprentissage chez Marc Veyrat
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Jolis bouillons et belle émulsions, souvenirs de son apprentissage chez Marc Veyrat
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Et la symphonie gourmande de commencer par une soupe épaisse de châtaignes surmontée d’un dôme mousseux et froid de parmesan (pour amplifier le contraste des températures, celle des textures s’additionne avec un râpé de truffes et de croutons bien croquants) 58 €.

Cuit rosé, l'agneau garde toutes ses saveurs lors d'une cuisson en croûte.
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Cuit rosé, l'agneau garde toutes ses saveurs lors d'une cuisson en croûte.
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Omble chevalier, féra ou perche : Jean Sulpice aime taquiner le poisson rare du Léman et la perche aligne ses filets juste pochés sur une émulsion crémeuse de pistache relevée d’un trait de citronnelle gingembre (52 €). Arrive sur la table une cocotte d’où s’échappent des volutes parfumées de foin chaud : le jeune chef y a laissé infuser et cuire un tendre filet de chevreuil qui émerge dans sa candide tendre et aromatique roseur. Un jus de cacao l’arrondit, l’alourdit quelque peu, fort heureusement contrecarré par la fraîcheur et la verdeur d’une mousse de céleri branche et de céleri chaud, où la rémoulade mayonnaise est troquée par une sauce blanche (65 €). Oubliez le beau plateau de fromage qui fait la part belle aux tommes, vacherins, bleu de Termignon de la région et optez pour une des dernières trouvailles de Sulpice, une mousse de comté du Doubs assaisonné d’herbes, de coulis de betteraves (pour la pointe doucereuse qui contrebalance la puissance de la pâte cuite) et de noix (toujours le contraste et mixte du mou avec le croquant) 28 €. Après quelques pré-desserts qui introduisent en douceur le monde du sucré, une seule sucrerie s’impose : la pomme dans sa meringue. Soulevez ou brisez les coques blanches pour goûter les cubes de pommes relevés de miel et d’antésite (concentré à base de réglisse) 24 €.

L'Oxalys, ou le plaisir d'un repas gastronomique en haute altitude
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L'Oxalys, ou le plaisir d'un repas gastronomique en haute altitude
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Jean Sulpice a confié la carte des vins à son épouse qu’il a connu alors qu’elle était sommelière ; même si  la carte est un livre riche en belles appellations, Magali Sulpice a eu l’intelligence de ne pas assassiner l’épicurien et les prix restent raisonnables surtout si vous choisissez les vins de la Savoie, ce qui paraît plus que justifié dans le cadre. Un Chignin Bergeron « Grand Zeph » d’A. Berlioz 2010 à 39 € sera parfait pour sa belle minéralité sur les poissons ; alors que l’Alexandra de JP et JF Quénard 2007 à 65 €, un moelleux doux s’accordera aux desserts. Pour les viandes et un vin puissant et charpenté, la Mondeuse d’Arbin de L. Magnin 2007 à 60 €.

Sportif émérite, Jean Sulpice s'adonne aux joies du ski dès qu'il s'octroie un peu de temps libre.
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Sportif émérite, Jean Sulpice s'adonne aux joies du ski dès qu'il s'octroie un peu de temps libre.
©DR

Vous l’aurez compris, prendre un repas à l’Oxalys est un pur moment de bonheur, une extase et un émoi des papilles qui se doublent du plaisir de la vue avec la possibilité d’admirer sur la terrasse même ou derrière les baies vitrées du restaurant le cirque des montagnes environnantes. Si vous êtes venu là à ski pour le déjeuner, je ne suis pas sûre que l’après midi sur les pistes sera très longue !!!!

Deux étoiles Michelin pour une cuisine de haute voltige pour une pomme meringuée juste parfaite.
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Deux étoiles Michelin pour une cuisine de haute voltige pour une pomme meringuée juste parfaite.
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L’Oxalys
73440 Val Thorens
04 79 00 12 00
Ouvert comme la station jusqu’en mai et en été où le chef propose des cours de cuisine (95 € pour 3 heures de préparation des 3 plats suivies de leur dégustation lors du repas avec 3 verres de vin).

Article publié le 28 janvier 2012

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