Au XVIIIe siècle, toute l'ambition des architectes réside en la conquête de Paris afin d'entrer à l'Académie d'Architecture et travailler pour le roi. Le "bureau", on dirait maintenant "agence" d'Ange-Jacques Gabriel est constitué de grands architectes, mais aussi de dessinateurs, agenceurs... L'architecture est naturellement et par essence liée à l'art, car on vit dedans. A l'époque, le fait dynastique est prépondérant en architecture. Comme pour les Mansart, le patronyme de Gabriel en architecture est une marque de fabrique. Jean-Marie Pérouse de Montclos, auteur de la monographie intitulée "Ange-Jacques Gabriel, l'héritier d'une dynastie d'architectes" affirme que la place Louis XV, devenue place de la Concorde, demeure le chef d'œuvre de Gabriel, dont l'éloge sera fait un siècle plus tard par Viollet le Duc. Le travail de Gabriel, bien que d'inspiration néoclassique, est résolument caractéristique du style français par le traitement des angles avec des ressauts, sortes de saillies autour des chambranles des portes pour accrocher la lumière.
Dans l'œuvre de Gabriel, on ne connait que les réalisations faites pour le roi comme la grande place de Rennes, celle de Bordeaux, l'opéra royal du château de Versailles... Initiateur et commanditaire officiel de l'Ecole Militaire, Louis XV fut en réalité poussé dans ce projet par Madame de Pompadour, très consciente du nécessaire besoin de formation aux arts de la guerre des hobereaux de Province, qui se faisaient tuer lors des batailles, faute de formation. Le style Louis XV souhaite revenir à la manière Louis XIV, en faisant fi de la période rococo. Dans le projet de l'Ecole Militaire, le roi souhaite fasse mieux que les Invalides, en y corrigeant les erreurs, tout en tenant compte de la perspective qu'offre le Champs de Mars jusqu'à la Seine.
Les plans sont classiques, la symétrie parfaite, et une chapelle s'intègre à l'aile gauche de l'Ecole Militaire. Un "toit à la Gabriel" à plan carré couronne le dôme central, pourtant propre à l'architecture française. Les trois ordres, dorique, ionique et corinthien sont présents selon l’importance des bâtiments, à la mode depuis la colonnade du Louvre.
Pour les aménagements intérieurs, Gabriel fait travailler des ornemanistes talentueux pour réaliser les lambris. Dans le corps principal du bâtiment central, il dessine un escalier monumental avec une rampe remarquable au motif dit "au chêne courant" rehaussé d'or, Gabriel étant spécialiste de l'art de la ferronnerie.
Issu d'une famille d'architectes estimée dès le règne de Louis XIV et liée par un mariage à celle des architectes Mansart, Ange-Jacques Gabriel est né à Paris en 1698. Son grand-père, Jacques IV Gabriel, est signalé avec éloge dans les mémoires de la Grande Mademoiselle. Son père, Jacques V, premier architecte du roi, a laissé de fort beaux édifices: l'hôtel de ville de Rennes, la place Royale de Bordeaux.
Membre de l’Académie d’Architecture et auteur de près de trente livres sur l’architecture des Temps Modernes, Jean-Marie Pérouse de Montclos s’est intéressé à l’œuvre d’ Ange-Jacques Gabriel et propose un ouvrage richement illustré de plans, photos et d’anecdotes pour comprendre la place d’ Ange-Jacques Gabriel dans une dynastie de maîtres maçons et d’architectes originaires de Normandie.
L’objectif étant de montrer comment Ange-Jacques Gabriel a illustré l’architecture à la française tout au long du XVIII° siècle.
Ange-Jacques Gabriel, par Jean-Marie Pérouse de Montclos, éditions du Patrimoine, 29 €.
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