Un créateur dans l’air du temps
Précurseur à son époque, son travail inspire toujours les designers actuels. Ses décors géométriques dessinés dans les années 1950, alors que tout le monde ne jurait que par la forme libre et les courbes, illustrent parfaitement son travail inventif et d’avant-garde. Aujourd’hui, les créations de Gio Ponti, notamment celles rééditées par l’éditeur italien Molteni, trouvent naturellement leur place dans un intérieur actuel, comme si elles avaient été créées au début du XXIème siècle. Diplômé de l’Ecole Polytechnique de Milan, comme beaucoup d’architectes de son temps qui reçoivent la formation d’ingénieurs, Gio Ponti a ouvert son propre cabinet en 1921. Ses premières réalisations architecturales s’inspirent du style classique comme la villa de la Via Randaccio à Milan. Devenu directeur artistique de la manufacture de porcelaine Richard-Ginori en 1923, il a révolutionné son mode de production en adoptant des méthodes de fabrication industrielles. Ses pièces d’inspiration néoclassique sont remarquées à l’Exposition internationale des Arts Décoratifs de Paris 1925. Pièces pour la maison parisienne Christofle et la verrerie vénitienne de Murano, mobilier des grands magasins milanais La Rinascente, travail en corrélation avec le mouvement Labirinto et création de la revue Domus en 1928, Gio Ponti a dénoté sur ses contemporains par ses talents multiples…

©Gio Ponti Archives
Des maisons et des meubles
Dans les années 1930, il a réalisé les bureaux de la société Montecatini, dont la chaise en aluminium polie est toujours éditée par Molteni. Après une période tournée vers un aspect plus artistique de son métier pluridisciplinaire, il se lance dans l’édition d’objets marqués par les matériaux de haute technologie comme la machine à café aérodynamique La Cornuta ou la chaise Leggera. C’est un peu le Raymond Loewy italien… Dans les années 1950 à 1960, son succès international l’amène à voyager et travailler dans le monde entier. Ses deux grands chefs-d’œuvre ? La villa Caracas au Venezuela et la tour Pirelli, à Milan. Côté design, le fauteuil Distex voit le jour et Gio bat son propre record avec la chaise Superleggera, poids plume, qui supplante la Leggera. Sans oublier, ses magnifiques céramiques… Dans les années 1970, la transparence et la légèreté seront ses thèmes de prédilection pour aborder le principe de la « maison à l’italienne », expression d’une authentique civilisation moderne et internationale. Beaucoup de créations de Gio Ponti ont été initiées pour son propre lieu de vie, sorte de manifeste de sa modernité qu’il a redimensionné à l’échelle humaine et intime : « La maison n’est pas un refuge, capitonné et équipé, qui protège les habitants contre les rudesses du climat (…). La maison à l’italienne est sans complications à l’extérieur comme à l’intérieur, elle accueille des bibelots et de belles œuvres d’art, elle demande de l’ordre et de l’espace entre chaque objet et non l’entassement et la confusion. Sa conception ne découle pas de simples exigences matérielles de notre vie, elle ne se réduit pas à une simple machine à habiter. » Une déclaration qui s’oppose à la vision radicale de Le Corbusier. Maison palladienne de la via Randaccio, à Milan, habitée de 1925 à 1936, ou celle moderniste de la via Brin, occupée de 1936 à 1943, qui était à la base un immeuble de trois appartements transformés avec des volumes internes plus hauts sur deux étages, les maisons de Gio Ponti sont des paradigmes de sa conception de l’architecture et la décoration, de véritables expressions de son style. Sa villa de vacances et de week-ends de Civate en Brianza, sur le lac d’Annone et son dernier appartement milanais de la via Dezza, quintessence de son style très graphique et coloré, avec un espace de 160 m² doté de cloisons mobiles permettant de réunir ou séparer les 4 pièces en enfilade, sont aussi des exemples très instructifs sur sa vision de l’architecture. A la même adresse, il avait aussi installé son studio de création en 1952…

©Fonds Marco Arosio
Une exposition unique
Racontant une carrière longue de 1921 à 1978, les 500 pièces présentées au fil de l’exposition, dont certaines jamais présentées, retracent aussi les aménagements du maître Ponti, concernant des demeures privées ou des bâtiments publics comme les universités, les bureaux ou les cathédrales. Architecture, design industriel ou créations artisanales, mobilier, luminaires, édition graphique, incursion dans le domaine du verre, de la céramique et même de l’orfèvrerie…, l’exposition porte bien son nom : « Tutti Gio ». A l’occasion de son ouverture, le MAD inaugure également un nouveau parcours design dans ses collections dévoilant un panorama unique de la création moderne et contemporaine des années 1940 à nos jours. Une raison de plus pour s’y rendre dès l’automne. Quant à l’éditeur italien Artemide, il met à l’honneur la lampe en métal Fato, dessinée par Gio Ponti en 1969. Telle une sculpture abstraite, elle se caractérise par un dessin très géométrique avec des écrans métalliques qui créent un superbe jeu d’ombres.
Exposition Tutti Ponti, Gio Ponti archi-designer au MAD, du 19 octobre 2018 au 10 février 2019
107, rue de Rivoli
75001 Paris
Tél. 01 44 55 57 50
www.madparis.fr

©Gio Ponti Archives

©Gio Ponti Archives

©Artemide

©Fonds Christofle

©Gio Ponti Archives

©Edition Richard Ginori

©Luca Massari
Ajouter un commentaire