Au même titre que notre organisme, les bâtiments sont eux aussi confrontés au vieillissement, et les travaux d’amélioration et d’entretiens successifs ne suffisent plus, après une centaine d’années, à garantir leur survie fonctionnelle, sauf pour de très rares exceptions. Le temps est dès lors venu pour eux, soit de disparaître, soit de se prêter à une lourde rénovation pour recommencer une nouvelle vie, derrière leurs atours assainis et récurés, avec des structures régénérées et des équipements neufs adaptés aux besoins actuels.

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Vicissitudes patrimoniales
Construit en 1900 au cœur de la ville rose – à proximité de la cathédrale Saint-Etienne et du musée des Augustins – par l’architecte autochtone Barthélémy Guitard (à l’origine du projet), Le Grand Hôtel offrait alors aux voyageurs 150 chambres – avec lit à baldaquin et vasque de toilette en marbre – que complétait une cinquantaine de salons ou cabinets privés, un restaurant, et une salle de bal, tous deux très prisés des Toulousains.
Au sortir de la Seconde guerre mondiale, durant laquelle bureaux, dépôt de matériel, dortoir et chapelle ardente l’investissent, ses propriétaires décident de le rénover entièrement dans l’esprit moderne des fifties. En 1978, le Centre Hospitalier de Toulouse-Purpan l’acquiert pour le revendre neuf mois plus tard au Conseil Général de la Haute-Garonne, qui y installe deux directions. Acquis en 2001 par le Rectorat, il aboutit en 2006 dans l’escarcelle de la ville, qui souhaite ainsi sauvegarder ce bel édifice, étirant ses 75 mètres linéaires de façade haussmannienne sur la rue de Metz, ainsi que ses décors classés (tourelle Art Nouveau, verrière et vitraux Art Déco, escalier bois 1920...).

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Reconversion optimisée
Devant faire l’objet d’un appel d’offres à projet, la réhabilitation du Grand Hôtel devait satisfaire les différentes attentes opérationnelles de la Municipalité ayant justifié son acquisition. Compte tenu de son implantation sur l’une des artères majeures du centre-ville, il était demandé que le rez-de-chaussée accueille des commerces, et les étages quelques bureaux, mais surtout du logement dont la moitié serait à vocation sociale, comme l’impose la loi en cas de cession de patrimoine public.
La complexité pour les 32 promoteurs ayant concouru, était de trouver un programme mixte optimisant – en fonction de la conformité des lieux et des éléments classés à conserver –coûts, surfaces et affectations afin d’équilibrer financièrement au mieux l’opération. Evalué à une quarantaine de millions d’euros (dont 17 de travaux), le projet soumis par Pitch Promotion Sud-Ouest, avec l’aide de Jean-Jacques Ory – architecte spécialisé en rénovation de l’haussmannien – emporta les suffrages.

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Pour maintenir l’accès du public aux ouvrages inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques, un tiers de la surface hors œuvre nette autorisée sur les 7 étages fut affecté à deux vastes boutiques (Habitat de 2.340 m² et Hugo Boss de 835 m²). La première jouit de l’ancien hall sous verrière, avec son monumental escalier de marbre rouge, autour duquel sont distribués les rayons et les demi-niveaux. Quant à la seconde, le rez-de-chaussée et l’étage (à l’angle de la rue Bourboule) sont reliés par l’escalier bois. Le magasin Hugo Boss est un espace clair et contemporain qui a su préserver l’esprit du lieu. Son concept mêle avec harmonie matériaux et couleurs (pierre taupe au sol, murs blanc pur mat, mobilier en inox brossé, verre, noisetier ou laque blanche).
S’interposant entre les deux magasins, le hall d’accès aux 25 logements de standing (2.500 m²) qui investissent les niveaux supérieurs de l’immeuble sur rues a, quant à lui, hérité des anciens vitraux et des boiseries originelles venant décorer certaines de ses circulations. Une étude notariale de 800 m² occupe le soubassement du petit immeuble annexe rue Thiers. Regroupés dans les bâtiments sur cours, les 38 logements sociaux sont accessibles indépendamment depuis une étrange et profonde entrée-corridor – juste signalée par une tourelle rouge – donnant sur la rue d’Astorg. Ces derniers furent revendus 2.000 €/m² au bailleur social Habitat Toulouse, qui est ainsi devenu copropriétaire au côté du notaire, des acquéreurs des logements libres (6.500 €/m²) et de BNP Paribas REIM, investisseur des pas-de-porte.

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Travaux d’envergure
Après avoir été squatté deux ans, l’immeuble connaît 25 mois de chantier. Les éléments patrimoniaux classés, sont consciencieusement déposés, pour être restaurés en atelier par des artisans spécialisés, tels les maîtres verriers toulousains Michel Bataillou et Pierre Rivière. Seules sont maintenues debout les façades ouvragées de pierre et de briques, leurs balcons sur consoles sculptées avec garde-corps en fonte, ainsi que les nombreuses lucarnes crénelant sa toiture. Toutes les couvertures sont, en effet, reconstruites à l’identique, à commencer par la coupole d’angle, coiffée de sa tourelle restaurée. La réfection complète des planchers aura permis aux occupants de bénéficier de tous les éléments de confort indispensables à leur quotidien (chauffage-climatisation, câblage numérique et domotique...). Les façades sur cour ont gagné en couleur via leur chaleureux enduit vermillon, souligné par l’orangé des corniches, et agrémenté ici et là de bow-windows habillés de cuivre.
Livrée le 15 septembre dernier, cette exceptionnelle rénovation a mobilisé l’attention générale lors de ses festivités inaugurales ouvertes à tous les Toulousains.
Fiche technique:
31, rue de Metz
31000 Toulouse
Maître d’ouvrage : Pitch Promotion Sud-Ouest
Architecte : Jean-Jacques Ory
Surface : 10.000 m²
Coût : 40 M€, dont 17 M€ de travaux
Chantier : 25 mois
Entreprise générale : Spie Sud-Ouest

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