Déco et béton, les promesses de la pierre liquide.

Qui aurait pu prévoir, il y a seulement une quinzaine d’année, qu’un matériau aussi conventionnel que le béton, et qui pâtissait d’une image délétère auprès du grand public, retrouverait aujourd’hui une forme de virginité à force d’avancées technologiques importantes?

Panneaux muraux design : Ivanka Béton design
Voir plus : béton, béton ciré
Ce matériau relativement récent (milieu du XIXe), mélange plus ou moins complexe de ciment et d’agrégats, était alors le symbole et une des causes des maux de nos sociétés modernes et urbaines, le bouc émissaire expiatoire de tous les excès des architectes et urbanistes. De plus, le béton ne semblait pas armé (sans jeu de mot) pour faire face à d’autres matériaux aux promesses technologiques plus importantes, comme le verre, les alliages métalliques ou surtout les polymères et matériaux composites. Aujourd’hui, nous n’évoquerons pas de « révolution béton », mais ce matériau a néanmoins su devenir une véritable pâte à modeler polyvalente aux nombreuses qualités, ce qui lui permet de s’ouvrir largement à de nouvelles utilisations.

Bien sûr, les premières avancées auxquelles on pense concernent les Bétons à Ultra-Hautes Performances (BUHP), connus généralement sous les noms de Ductal ou Céracem. Ces bétons ont principalement de très grandes qualités mécaniques, une porosité quasi nulle, une grande élasticité. Par ailleurs, les constituants ultrafins de ces nouveaux bétons (souvent bien inférieurs au micron) et leur très grande fluidité permettent une mise en œuvre autoplaçante du matériau ainsi que la reproduction très fidèle des textures à partir de la matrice de fond de moule.

Le deuxième exemple emblématique, car presque contre-nature, de cette évolution est sans doute le béton translucide. Matériau opaque depuis toujours, le béton est maintenant capable de transmettre de la lumière, soit par adjonction d’agrégats transparents (aérogel de verre, granulés plastiques), soit grâce à une disposition judicieuse de fibres optiques traversantes. L’effet est tout simplement saisissant, et ouvre considérablement l’espace des possibles architecturaux. D’ailleurs les architectes se l’arrachent tout bonnement !

Autre qualité intuitivement antinomique, le béton devient de plus en plus flexible. Des universitaires américains ont ainsi développé, grâce à l’adjonction de microfibres textiles particulières dans une formulation spéciale de ciment, un béton très souple et flexible, voire rebondissant. Le résultat est impressionnant, avec un matériau 40% plus léger, 500 fois plus résistant à la fissure, et très bon absorbeur des chocs et vibrations, contrairement au béton courant… Et les cartons des chercheurs regorgent ainsi de projets assez prometteurs comme, notamment, les bétons dit « intelligents ». En mélangeant en effet des fibres de carbone à du béton conventionnel, ils obtiennent un élément dont la résistance électrique varie suivant la structure interne, sa cohésion, les désordres et fissures éventuelles, les contraintes et efforts exercés sur le bloc. Hormis une utilisation évidente pour contrôler l’état de préservation de certains ouvrages d’art comme des ponts ou des structures de bâtiment, les potentialités de ce type de béton intelligent sont multiples. Une telle technologie serait par exemple suffisamment précise pour qu’une route en béton puisse vous informer sur l’état du trafic, le poids des véhicules, leur vitesse…

Plus prospectifs encore, des chercheurs d’une université anglaise ont incorporé de l’encre thermochrome au béton, ce qui permet, grâce à un maillage de petits fils électriques chauffants en sous-couche, l’affichage de graphiques ou d’informations pilotables à tout instant. Des informations au sol pourraient vous diriger, les murs vous indiquer l’heure, le bâtiment changer de couleur à volonté !

Enfin, et ce n’est pas le moindre de ses paradoxes, le béton se pare aujourd’hui de réelles qualités environnementales. Grâce à une simple incorporation de dioxyde de titane dans la formulation classique du béton, les façades de bâtiments réalisés dans ce matériau se transforment en véritables aspirateurs à pollution, par l'action conjuguée de la lumière naturelle et des oxydes de titane. Des réactions photo-catalytiques permanentes décomposent les salissures, nettoient la surface, purifient l’air ambiant en détruisant les oxydes d'azote produits par les voitures, les composés organiques volatils ou l’ozone…

Chercheurs, ingénieurs et, industriels ont donc fortement amélioré les différentes caractéristiques du béton ces dernières années, dans l’optique principale de renforcer son utilisation dans ses débouchés naturels que sont la construction, les ouvrages d’art, la voirie, l’aménagement urbain. Le béton est aujourd’hui plus léger, plus solide, plus durable, plus souple d’emploi, plus fin et… plus beau. Si effectivement ces progrès ont permis l’édification de véritables tours de force comme le viaduc de Millau, les qualités gagnées autorisent aussi un début d’appropriation du béton pour de nouvelles applications. Ce n’est sans doute pas aux producteurs d’imaginer ce devenir du béton, mais plus aux créateurs de tous milieux et de tous poils de les bousculer afin de permettre à la matière de s’exprimer ailleurs que dans ses sphères d’origine. Ils sont de plus en plus nombreux, d’ailleurs, à triturer cette matière, la torturer, la pousser dans ses derniers retranchements (mobilier, architecture d’intérieure, luminaire, packaging par exemple), sans a priori, le but n’étant pas le détournement à tout prix, le geste gratuit et sans lendemain d’une figure imposée, mais éventuellement le début d’une nouvelle vie pour cette matière décidément surprenante.
Article publié le 5 novembre 2010

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