Maison Russe, l’opulence de Saint-Pétersbourg à Paris

Octobre 2021, Laurent de Gourcuff et Dominique Romano ouvrent « Maison Russe » une nouvelle adresse pour la Jet set parisienne, au 59 avenue Raymond Poincaré dans le 16ème arrondissement, dans l’ancien hôtel particulier Pauilhac. L’immeuble de style « art nouveau » qui date de 1910, est situé entre la place Victor Hugo et la place du Trocadéro. Une grande partie est inscrite aux monuments historiques par un arrêté du 27 septembre 1990, une époque où deux grands chefs étoilés, Joël Robuchon et Alain Ducasse y avaient ouverts leurs restaurants pilotes, leurs laboratoires gustatifs. « Maison Russe » est un lieu où la magie de l’art de vivre à la russe opère à nouveau. Un lieu unique que le groupe Paris Society a investi pour ouvrir un restaurant entièrement redécoré aux couleurs slaves, par Laleh Amir Assefi, décoratrice aux multiples origines et spécialisée dans l’hôtellerie de luxe et de charme. Un décor si enveloppant que l’on se croit parti dans une autre dimension, celle de la famille des Romanov.

Grâce a ses années chez Jacques Garcia et ses origines perses, Laleh Amir Assefi a le sens des décors somptueux.

Commençons par un petit voyage dans le passé. En 1917, en pleine 1ère guerre mondiale, la Russie vit la fin des privilèges datant du temps du Tsar Nicolas II. Les Romanov vont disparaître avec la révolution bolchevique. Pour l’aristocratie et la grande bourgeoisie russe, la seule solution est de s’enfuir, pour échapper aux troupes communistes appelées les Rouges. La majorité va émigrer vers l’Europe et les Etats-Unis emportant avec eux, un goût du luxe extrême, sans limite. En France, les Russes Blancs (soutiens de la famille impériale) vont majoritairement s’installer dans des villes qu’ils connaissaient bien, pour y avoir passé d’agréables séjours, comme Nice, Biarritz, sans oublier Paris. La fête est permanente avec l’éclosion des fameuses « Années Folles ». Les magnums de grandes cuvées de champagne coulaient à flot dans les grands dîners et les réceptions plus folles les unes que les autres. Les exilés russes y construisaient des hôtels particuliers aux tailles et aux ornements exceptionnels. Une période festive qui s’adapte parfaitement aux mœurs fêtardes des Slaves.   

En 1925, voit la création à Paris, de l'Union de la Noblesse Russe (UNR), une association regroupant les aristocrates ayant émigrés à la suite de la Révolution rouge de 1917. Le comte D. S. Cheremeteff en est le premier président ; parmi ses successeurs, on compte le Prince Serge Obolensky, famille qui a également œuvré pour la sauvegarde de l’église orthodoxe de Biarritz et des icones. Pendant cela, la fête, pour une partie de l’élite russe qui est arrivée en France, bat son plein, pour s’achever avec le crack de Wall Street de 1929. New York, où plusieurs Princes vont devenir chauffeurs des taxis jaunes.

Un salon privé dans l'esprit bibliothèque et la boutique.
Afficher la galerie
Un salon privé dans l'esprit bibliothèque et la boutique.
©Romain Ricard

Laleh Amir Assefi : portrait d’une architecte DPLG et architecte d’intérieur au parcours hors du commun dont l’aïeul fut gouverneur de Géorgie. Née à Los Angeles, sa famille retourne en Iran. Laleh y apprend le français à l’école française Jeanne d’Arc de Téhéran. La magie de la langue de Molière opère, et c’est par amour de notre culture, qu’elle s’installe à Paris pour entamer avec succès des études d’architecte DPLG. Hyper douée, elle est la première femme à finir son cursus major de sa promotion dans les équipements culturels, l’urbanisme et les espaces publics. Sans oublier un passage par la Sorbonne. Retour en Iran ; ses origines perses, la poussent à s’installer à nouveau à Téhéran, où elle va occuper le poste de conseillère auprès du ministère de la culture et auprès de la mairie de la capitale iranienne. Malheureusement son espace d’expression est trop limité à son goût. Retour à Paris ou elle va œuvrer de nombreuses années dans le sillage du célèbre décorateur Jacques Garcia. C’est à ses côtés qu’elle a participé à l’aménagement d’hôtels dont la Mamounia à Marrakech, le boutique hôtel « Le NoMad » de New York, qui offre dans cet hôtel central et moderne de Chelsea des chambres et des suites avec terrasses aux des vues spectaculaires ! Broadway et Times Square sont à quelques minutes à pied. Ou encore L’hôtel Oscar de Londres Un nouveau boutique-hôtel somptueux au cœur du quartier de Holborn. L'Oscar est une merveille architecturale début de siècle restaurée avec faste.

Magnifiques drapés et décor néogothique.
Afficher la galerie
Magnifiques drapés et décor néogothique.
©Romain Ricard

Après la présentation du chef d’orchestre est faite, revenons à « Maison Russe ». L’immeuble qui s’élève sur 4 étages avec un dédale qui commence par un bar « les Poupées Russes » suivis de ses salons et de son restaurant, des pièces plus cosy les unes que les autres aux riches décors et aux couleurs chaudes ; au premier étage, trois salles aux ambiances adaptées pour un repas en toute intimité, en tête à tête ou plus mondain. Montons découvrir deux salons privatifs, studieux ou festifs, suivant l’heure et l’humeur du moment. Au sommet de l’immeuble, comme dans un donjon, un espace qui ressemble à un lieu de vie qui ne demande qu’à retrouver les folles nuits des fêtes slaves.    

Des touches de couleurs fortes rappellent les pierres précieuses comme l’œil du tigre, l’ambre, la topaze, le saphir, l’émeraude ou la malachite, pierre semi-précieuse, très appréciée en Russie. C’est grâce à ces pierres acquises durant de nombreuses années, que les exilés ont pu sortir de Russie. Un assortiment magique qui rappelle ceux de l’Hermitage, le Palais d’Hiver de la famille impériale à Saint-Pétersbourg. 

Pour décorer "Maison Russe", l'architecte d'intérieur Laleh Amir Assefi a utilisé plus de 1000 mètres de tissus plus beaux les uns que les autres.
Afficher la galerie
Pour décorer "Maison Russe", l'architecte d'intérieur Laleh Amir Assefi a utilisé plus de 1000 mètres de tissus plus beaux les uns que les autres.
©DR

Entrons dans l’établissement où le tissu est roi. Partout, il y a des rideaux avec des drapés aux grandes ampleurs réalisés dans des étoffes haut de gamme, sélectionnées auprès d’éditeurs de tissus d’ameublement européens. Un des salons privés, est conçu dans le style d’une yourte mongole, elle est entièrement drapée de tissus. Partout, il y a des canapés et des fauteuils signés de la manufacture Laval, richement décorés de velours et des passementeries de chez Paris Passementerie. Voici les trois éditeurs les plus importants de Maison Russe :

Lelièvre partenaire officiel du restaurant, car fournisseur de la majorité des tissus des décors de Maison Russe : les savoir-faire d’exception de la Maison Lelièvre, ses velours iconiques et les soieries d’exception de Tassinari & Chatel viennent sublimer la décoration unique et flamboyante en textile, du restaurant Maison Russe. Outre le choix de tissus issus de collections existantes de Lelièvre Paris, telles que Everest, Galiera, ou des collections Tassinari & Chatel, Guimet, Pomme de pin, Charlotte et Jardin d’hiver, certaines matières, couleurs ou dessins ont été réalisés spécialement par la Maison Lelièvre dans le cadre de cette magnifique collaboration. Pas moins de 1000 mètres de tissu habillent mobiliers, rideaux et coussins de ce nouveau lieu ! Fondée à Paris en 1914 par Henri Lelièvre, la Maison éponyme a construit sa réputation autour de valeurs fortes qui sont : création, histoire et savoir-faire.

Tassinari & Chatel est le joyau de la Maison Lelièvre. C’est l’une des plus anciennes manufactures de tissage lyonnais dont les origines remontent à 1680 avec l’atelier Pernon, fournisseur officiel des plus grandes Cours d’Europe et notamment celle du roi Louis XV. Admirative de ce patrimoine exceptionnel qui perdure depuis plus de trois siècles, Lelièvre fera en 1998 un acte fort en rachetant cette maison prestigieuse. Tassinari & Chatel doit sa réputation à son expertise extraordinaire et séculaire dans la réalisation de soieries d’exception en associant un artisanat traditionnel et des innovations technologiques comme le classement au feu M1.

Le groupe Lelièvre a participé aux grands rendez-vous de la décoration française comme l’aménagement du paquebot Normandie et de l’aménagement de hôtels de luxe.  

Ambiance typiquement russe pour ce somptueux jacquard Bolchoï de chez Pierre Frey.
Afficher la galerie
Ambiance typiquement russe pour ce somptueux jacquard Bolchoï de chez Pierre Frey.
©Pierre Frey

Pierre Frey : les principaux tissus choisis par Laleh, dans les collections de la maison Frey, font partie d’une collection inspirée par la Russie. Des jacquards aux multiples couleurs tissés dans leurs ateliers du nord de la France. Le dessin Bolchoï et ses deux déclinaisons Moskova et Volga sont tirés d’un châle trouvé sur un marché aux Puces de Saint-Pétersbourg par Patrick Frey à une époque où la France reprenait des échanges commerciaux avec la Russie toujours aussi friand de décors avec une French Touch, pour l’aménagement de leurs palais et de leurs datchas.

Splendide percale imprimée pour ce tissu Lady Roxana, évoquant un riche et luxuriant jardin antique, Rubelli.
Afficher la galerie
Splendide percale imprimée pour ce tissu Lady Roxana, évoquant un riche et luxuriant jardin antique, Rubelli.
©Rubelli

Rubelli. L’éditeur vénitien : Lady Roxana imprimé sur fond de coton percale qui reprend un modèle datant de la seconde partie du 19ème siècle. On a reproduit avec précision les coloris et les touches de pinceau du croquis, mais aussi les craquelures et les usures identifiables sur l'original. Le résultat donne un tissu d'une extrême élégance évoquant un riche et luxuriant jardin antique coordonné avec Violetta.

Samarcanda : une broderie dans des ors de différentes tonalités serpente à travers un velours, comme un minuscule feuillage. La riche et picturale culture artisanale de l'Asie centrale revisitée en une intimité précieuse. D'une histoire dense émerge une légèreté pétillante. La maison Rubelli a également fournit Shogun, un taffetas uni, Tendre, un lin faux uni et un velours uni hyper résistant, Velvetforty. La technique de la broderie est utilisée pour créer des éclats métalliques qui se détachent sur un riche fond de velours en un contraste de grande opulence.

Les fauteuils sont somptueusement recouverts de belles étoffes et de passementerie. A gauche,  tissu Jardin d’hiver, collection Saphir chez Tassinari & Chatel, à droite, ​tissu Guimet, également chez Tassinari & Chatel.
Afficher la galerie
Les fauteuils sont somptueusement recouverts de belles étoffes et de passementerie. A gauche, tissu Jardin d’hiver, collection Saphir chez Tassinari & Chatel, à droite, ​tissu Guimet, également chez Tassinari & Chatel.
©Tassinari & Chatel

Laleh Amir Assefi  attache de l’importance aux détails des finitions comme au temps de la grande époque de l’ancien régime russe : tout est flamboyant avec des décors finis à la feuille d’or et de papiers gaufrés avec une patine posée à la main par des artisans de la célèbre maison Mériguet Carrière, qui vient d’intégrer depuis novembre 2020 le Comité Colbert (qui regroupe 85 maisons françaises du luxe et 16 institutions culturelles, dont la maison Pierre Frey, avec comme objectif de préserver les savoir-faire ancestraux) ; l’atelier Mériguet Carrière se situe au cœur du Marais.

A l’époque fastueuse de la cour du Tsar Nicolas II, des grandes maisons françaises de la joaillerie, des soyeux lyonnais et des métiers des arts de la table à la française étaient déjà présents à la cour de Saint Pétersbourg. Fabergé en a été le plus connu avec ses œufs, offerts par le Tsar à son épouse pour fêter Pâques. La décoration de Maison Russe en est un juste reflet de ces échanges culturels de l’époque transposé de nos jours. En 2010, plusieurs entreprises françaises avaient exposé au Manège à deux pas du Kremlin, leurs savoir-faire lors d’un évènement haut en couleurs : « Art de Vivre à la Française à Moscou », une belle vitrine de PME du monde de la décoration signée Maison et Objet.  

Gastronomie, textile et objets lifestyle à la boutique de la Maison Russe.
Afficher la galerie
Gastronomie, textile et objets lifestyle à la boutique de la Maison Russe.
©Romain Ricard

Maison Russe dispose également d’une boutique qui présente ses pyjamas de soie, avec ses chaussons et son linge de lit, sa vaisselle, sans oublier une épicerie fine, et son traiteur couture. A la carte du restaurant, caviar impérial de Sologne, omelette King Crab, Homard bleu breton, dos de cabillaud, asperges vertes ou cet assortiment de taramas et mon plat préféré le Koulibiac.

Comme il est écrit dans le dossier de presse, Maison Russe offre au propre comme au figuré, ce bonheur d’être une maison incarnée, mieux encore une maison habitée

Maison Russe ouvre du lundi au samedi, le restaurant pour déjeuner de 12h00 à 15h00 et pour diner de 19h00 à 02h00 - 7 salons de 6 à 26 couverts / le bar de 17h00 à 2h00 / la boutique de 11h00 à 20h00

Maison Russe
59, avenue Raymond Poincaré
75016 Paris
Réservations : 01 40 62 72 05
www.maisonrusse.com
contact@maisonrusse.com

Un dîner "Maison Russe" : caviar, Koulibiac et omelette norvégienne.
Afficher la galerie
Un dîner "Maison Russe" : caviar, Koulibiac et omelette norvégienne.
©Romain Ricard

Autres adresses russes à visiter à Paris :

La célèbre maison Petrossian, a ouvert en 1920 au 144 rue de l’Université 75007 Paris sa boutique qui vend du caviar hors norme, aujourd’hui un restaurant la coiffe.

La Cathédrale de la Sainte-Trinité inaugurée en 2013, avec son centre culturel. Elle a été construite face au pont de l’Alma, sous les directives de l’agence Jean-Michel Wilmotte. Un chantier pharaonique dont la cathédrale qui occupe 450 m² et qui est inspirée de la cathédrale de la Dormition de Moscou, qui est la plus importante de la zone du Kremlin.   

La librairie du Globe : 67, boulevard Beaumarchais 75003 Paris. La Russie en toutes lettres : tous les fervents amoureux de la langue et de la culture russe se retrouvent dans cette librairie ouverte depuis 1952, non loin de la place des Vosges. Lectures, cours de langue, concerts, expositions, débats et ciné-club vous y attendent.

Article publié le 27 janvier 2022

Articles à lire sur le même sujet

Ajouter un commentaire