Quelques mots sur votre parcours ?
Teresa Sapey : Après des études de design à la Parsons’s School avec Tom Ford et le fils de Gabriel Garcia Marquez, j’ai choisi de compléter ma formation en section architecture en bâtiment au Polytechnique de Turin. Et ensuite un 3ème cycle en architecture des espaces de travail et lieux industriels à Paris la Villette. Le terreau était sans doute propice, car je viens d’une famille artistique, avec un grand-père sénateur et raffiné qui voyageait souvent et achetait de la vaisselle autrichienne, des meubles anciens dans l’Europe entière.
Votre travail graphique semble empreint d’éléments décoratifs mauresques ?
T.S. : C’est en effet une lecture que je partage, car toujours j’intègre dans chacun de mes projets une touche graphique ; sans doute le mariage de deux formations intellectuelles. Italienne de naissance, mon enfance à Turin me permis de côtoyer le meilleur baroque italien ; sans doute la résultante, car je puise mes sources d’inspirations dans le savoir baroque minimaliste. Plus jeune à Paris, j’ai travaillé tour à tour pour les décorateurs Jacques Garcia et Alberto Pinto. Aujourd’hui, je me définirai comme puriste mais pas minimaliste, ou alors minimaliste avec une touche d’histoire.
Pourquoi le choix de la pupille à l’Hôtel Pau Room Mate?
T.S. : Il s’agit avant tout d’un hôtel de design au luxe low cost, en plein cœur de Barcelone, derrière la place de Catalogne. Chacun des hôtels de la chaîne Room Mate porte le nom de quelqu’un, à l’instar de Pau (Paul en catalan), un cuisinier imaginaire qui montre la ville au visiteur avec ses yeux. Ainsi, un fil conducteur autour du sujet du voyeurisme s’est fait jour, dans l’esprit « je te vois, tu me vois ». Le style architectural comporte donc une succession d’œil-de-bœuf recouverts de stickers pupilles pour regarder à travers sans être vu.
On vous dit la reine des parkings ?
T.S. : Les circonstances initiales demeurent fortuites : il y a déjà 7 ans, le projet du nouvel hôtel Silken Puerta de America était bouclé et tous les lots avaient été attribués à des architectes de renom. Alors, j’ai proposé au directeur de la chaîne d’hôtels Silken de traiter l’architecture intérieure du parking de façon design et décalée. In fine, il s’est agi de traiter 3 niveaux avec une mise en lumière, en couleur, avec un esprit graphique pour créer de l’émotion, une sorte de vitamine C. Un lieu tel, qu’on peut imaginer donner rendez-vous dans ce parking. Et devant ce succès, j’ai enchaîné avec le parking Vasquez de Mella tout de rouge vêtu, aujourd’hui le plus utilisé de Madrid. Un jeu d’écritures en néons rouges reprend notamment des citations de l’Enfer, extrait de la Divine Comédie de Dante.
Votre vision de l’architecture commerciale ?
T.S. : Pour le projet de la boutique Custo à Barcelone en 2007, une boutique de mode catalane à Madrid, style hippie chic, sorte de look Ibiza pour la ville, la principale contrainte était une façade étroite et une boutique de 30 mètres de long. J’ai donc du repenser la technique de vente avec un sol de couleur qui guide les clients jusqu’au fond du magasin et un rythme de paravents qui dissimulent les vêtements. C’est seulement lorsque le client se retourne qu’il aperçoit enfin l’intérieur des boîtes abritant les collections Cuesto. Une preuve que l’esthétique peut aider à vendre.
En 2010, je me suis occupée du nouveau concept des boutiques Aspesi, marque de mode italienne, qui a reçu depuis le prix du design du magazine Wallpaper. L’espace à investir dans Madrid était anciennement un restaurant Thaï de près de 500 m². L’idée du projet fut d’installer le passé dans le présent en repensant intégralement l’espace, l’éclairage et les portants en fer gris foncé presque oxydé. Le nouvel univers est caractérisé par des murs blancs immaculés et un sol recouvert de parquet. Les peintures murales sont signées Dirk van Doren et de grands vases que l’on peut acheter rythment l’espace. Et pour rendre le lieu plus convivial et personnel, les meubles ont été créés et personnalisé spécifiquement pour ce magasin par Alberto Aspesi.
Vos projets éphémères ?
T.S. : Installations, scénographies, illuminations…j’affectionne les projets éphémères qu’il faut souvent imaginer dans l’urgence et concevoir avec un minimum de moyens et beaucoup de contraintes. Pour Noël 2012, le brief des équipes municipales pour éclairer la rue de Serrano, la plus grande artère commerciale madrilène se devait d’associer un éclairage artistique, apolitique, areligieux, poussant à l’achat et à la positivité. Mon projet fut immédiatement inspiré par Sonia Delaunay qui avait débuté sa carrière à Madrid et j’ai du travailler dans l’urgence avec des Leds de 5 couleurs : rouge, jaune, vert, bleu et blanc. Un travail très visuel sur la couleur pure et le mouvement des couleurs simultanées.
Votre approche de l’architecture résidentielle?
T.S. : Il m’arrive de repenser des lieux de A à Z pour des clients particuliers, comme actuellement un appart à Londres. A New York, j’ai pris plaisir à concevoir un appartement avec une touche européenne. Pour un projet de loft à Bordeaux dans un ancien garage 600 m² pour des clients issus de l’univers des nouvelles technologies, j’ai du imaginer un faux patio avec des lampes orientables pour donner l’idée d’un jardin intérieur donnant sur une piscine couverte.
Quelle serait la maison de vos rêves ?
T.S. : Dans l’idéal, j’aimerais avoir une maison un peu isolée, au beau milieu des vignes avec un chai, sans doute en Espagne, en France ou en Italie. Ou alors une maison sous l’eau, car j’adore les îles Eoliennes. Quoiqu’il en soit, une maison simple dans un lieu primitif et atypique. Un phare, peut-être…
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