Qu’est-ce qui vous a poussé vers le design ? Quelles sont vos sources d’inspirations et vos déclencheurs ?
Marie Dessuant : Ma formation à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg ne fut pas très « appliquée ». Son enseignement plus orienté vers les arts plastiques m’a permis d’élargir ma pratique. Je me suis toujours intéressée à beaucoup de choses différentes (meubles, objets, espaces, dessins, photographies, vidéos, installations…) ; or, pour moi, le design est le point de rencontre de toutes ces centres d’intérêt, que j’envisage comme un vaste terrain de jeu. A mon sens, le design est une façon d’aborder les choses qui nous entourent, une façon de voir et de donner à voir. D’une certaine manière, je n’ai pas décidé soudainement de devenir designer. Il s’agit plutôt d’un mode de pensée en perpétuelle évolution, une sorte d’expérimentation de la réalité et du quotidien ...

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Pourquoi avoir choisi de présenter l’ « étagère de coin » pour le prix Cinna ?
M. D. : Cinna est l’un des rares éditeurs français à faire confiance aux jeunes designers. J’aime beaucoup leur état d’esprit entre tradition, savoir faire (150 ans de mobilier) et un renouvellement perpétuel, avec des prises de risques. Je suis très heureuse de notre collaboration qui a débuté grâce au « prix révélateurs de talent », et qui continue depuis avec notamment cette année le « vide–poche ».

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Les deux collections « Objet Préféré/Objet Coloré » sont issues d’un travail collectif, mais comment avez-vous intervenu dans le projet ? Quelle est votre griffe dans le travail final ?
M. D. : Ces deux collections sont issues d’un travail collectif, sous la direction de Sam Baron, avec les autres designers de Fabrica (le centre de recherche en communication du groupe Benetton), un laboratoire créatif spécialisé dans le domaine des arts appliqués, situé à Trévise (en Italie). Il s’agit d’une collaboration très étroite, car nous vivons et travaillons ensemble durant une année. Des heures à dessiner ensemble, à discuter et argumenter, accompagnées de quelques bons fous rires aussi… Au final, en regardant ces objets, j’ai une réelle sensation de travail collectif, tout en retrouvant une cohérence et une résonance avec mon travail personnel.

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Qu’est ce que vous a apporté le travail en collectivité ? Est-ce qu’il a eu une incidence sur votre manière d’aborder le design ?
M. D. : Le travail en collectivité est très important pour moi. Il me permet de ne pas m’enfermer dans un style ou une catégorie, de me remettre sans cesse en question et bien sûr d’apprendre beaucoup des autres designers (qui sont en plus issus de cultures différentes, car Fabrica est une résidence internationale).
En lien avec l’« Objet Coloré », quelle est la place de la couleur dans votre travail ?
M. D. : La couleur dans mon travail est aussi essentielle qu’une forme ou un matériau. Elle est au centre du processus créatif qui, pour moi, représente un équilibre fragile entre instinct et réflexion. Elle est inhérente à un objet.

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En lien avec l’« Objet Préféré », quel est votre objet fétiche ? Un porte-bonheur ?
M. D. : J’adore mon T-shirt perroquet des années 80. Je le porte depuis l’âge de 7 ans. C’est un T-shirt blanc presque transparent (parce que usé) avec une illustration de perroquets au plumage bleu, jaune, rouge et vert, avec des lunettes de soleil noires. Je le porte uniquement quand quelque chose d’important (positif ou négatif) m’arrive, une sorte de petit rituel.

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Quel(s) objet(s) auriez-vous souhaité créer ?
M. D. : Je pense plutôt aux nouveaux projets qu’à ceux qui ont déjà été dessinés.
Quels sont vos matériaux favoris ?
M. D. : Je préfère travailler avec des matériaux naturels comme le bois, la céramique, le verre ou le métal. J’aime leur aspect, mais aussi leur toucher, leur odeur, leur façon de vieillir. Les textiles m’intéressent aussi beaucoup, car la part non maîtrisée dans une forme souple m’amène à une réflexion différente sur les rapports entre forme, fonction et usage.

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Les savoir-faire des fabricants et artisans influencent-ils votre travail ?
M. D. : Beaucoup ! Le dialogue avec les artisans et les fabricants est au cœur de mon travail. Leur savoir-faire peut faire réellement évoluer un projet, voire être une source d’inspiration, un point de départ.

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Quelles sont vos prochaines envies ? Vos prochains rêves ?
M. D. : Je viens de m’installer à Londres et je présente la collection « The Bay » pour Singularité (nouvelle maison d’édition française) à la design week de Clerkenwell du 21 au 24 mai 2012. Je suis très enthousiaste face à cette nouvelle aventure ! Deux pièces de cette collection (la banquette « Watching the ships roll in » et les miroirs « Drapeaux ») sont également exposées au Design Corner du MUDAM au Luxembourg.
Sinon continuer à chercher, expérimenter, prendre des risques, s’amuser, voyager…

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www.mariedessuant.com
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